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Dans la Ville
Des chemins de l'Ecole... Sur la Grande route de la Vie.
Des chemins de l'Ecole... Sur la Grande route de la Vie.
© ND de la Bidassoa

| ND de la Bidasoa 1331 mots

Des chemins de l'Ecole... Sur la Grande route de la Vie.

          ...Ces quatre années merveilleuses que je devais à l'Ecole Normale, le solide bagage que je pensais y avoir reçu, la présence d'un père qui cachait mal son bonheur d'avoir dans son sillage entraîné« le petit dernier », constituaient sans aucun doute les bases idéales conduisant à l'exercice d'un si beau métier, le seul assurément auquel j'avais toujours songé : celui  d'INSTITUTEUR .

          Il ne me décevra pas.

 

Mes débuts dans la fonction firent monter encore d'un cran l'incroyable euphorie dans laquelle je baignais car voilà que mon premier poste allait me conduire ...tout simplement chez moi à HENDAYE, boulevard de la Mer, à Gure Kayola, maison d'enfants disait-on à l’époque. A l'image de Bilkua, l'Enfant Roi, le Nid et l'Hélio Marin, elle recevait  des gamins en situation difficile qui ne trouvaient qu'avantages dans l'échange heureux réalisé chez nous avec leur trépidante banlieue d’origine. Le jeune instit lui, dont les déplacements se résumaient à quelques allées et venues en mobylette, regagnait, avec quelle joie, son cocon familial. Il retrouvait également les joies de cette « classe unique » qu'un an auparavant il avait eu le loisir de tester. Il lui manquait sans doute un peu de cette ruralité, ce très grand respect, cette authenticité, que nulle part vous ne connaîtrez comme en Soule, mon premier terrain de véritable apprentissage et dont j'ai gardé les souvenirs les plus forts.

          … Mais il fallait qu'un jour, alors que s'annonçait le temps de mes obligations militaires, je m'en inquiète avec plus de sérieux que je n'en avais jusqu'ici affiché. D'autant plus que les garçons de mon âge, n'ayant pas eu la chance de repousser leur incorporation au moyen d'un sursis, revenaient au pays avec ce petit goût amer d’un séjour pas forcément agréable et qu’à leur détriment ils y avaient découvert. J'avais compris que la « balade » serait longue, riche en surprises de toute natures, car au-delà du seul temps militaire, de ses contraintes imbéciles, demeurait cette épine dont notre pays n'arrivait pas à se débarrasser : L’ALGERIE.

          … En ce début septembre 1958, alors qu'Urrugne, Sare et Fontarrabie appellent la jeunesse à célébrer joyeusement leurs traditionnelles fêtes locales, je guette plutôt le facteur et la réception de cette fameuse missive qui me fixera sur mon sort. S'agissant de la prochaine année scolaire, elle sera brève, butant sur la Toussaint toute proche date aujourd'hui connue de mon incorporation. L'Education Nationale me confie, pour ce court intermède, la conduite d'une classe à l'Hélio-Marin, nomination qui me laisse totalement indifférent tant mes pensées se tournent déjà vers d'autres destinations.

          ...Et notamment vers le camp d'Idron où le 18ème R.C.P t'accueillera, en ses débuts, pour 28 mois de service national. Tu seras donc, Rapha, parachutiste ! Mon Dieu ! Que pourra ta frêle silhouette dans cet enfer qui t'est déjà promis ? Elle ne vaudra que par son grand courage et les maigres ressources dont elle est dotée, celles encore insoupçonnées venues de je ne sais où, celles enfin puisées dans une foi profonde, assurément mon soutien le plus sûr. Aussi la révélation très tôt affirmée de mon incapacité au commandement ne me précipitera-t-elle pas dans un profond désarroi ! Je ne tardai pas à lui préférer la modeste place d'infirmier qui allait m'être proposée parce que mieux adaptée et plus conforme à cette philosophie de la guerre que je m'étais bâtie. Je m'interrogerai plus tard, revenu à la vie civile, sur les orientations militaires que, me concernant, très largement je partageais, et la confiance, sans doute aveugle, que mes concitoyens m'accorderont en me plaçant vingt années durant à la tête de leur ville …

          … Deux évènements majeurs auront marqué de manière significative mes six premiers mois de vie militaire. J'aime évoquer d'abord l'obtention de mon brevet de parachutiste, si inattendu dans sa venue et accueilli parmi les miens comme cet exploit qui rehausse votre prestige et rejaillit sur le « clan » tout entier. Le saut dans le vide du haut des 13 mètres de la tour, la porte du Nord Atlas franchie avec quelle assurance, ce silence qui accompagne une descente toujours trop brève et au terme de laquelle il naît en vous cette idée, celle d'y revenir. Tu y reviendras dix-huit fois, sur toute la période, ce qui te vaudra un supplément de solde que par ces temps de « guerre » tu as toujours apprécié. Je me souviens qu'au cours d'un saut d'entretien effectué à Philippeville, je me retrouvai à l'arrivée au sol avec un para d'âge déjà mûr et qui, quelque peu emmêlé dans ses suspentes me salua, implorant visiblement un secours salvateur : « Dis-moi, Rapha, c'est comment qu'on plie ce pépin ? » C'était Théodore HIRIART l'aumônier du Régiment, ancien vicaire de la paroisse St Vincent …

             Deuxième fait marquant de mes débuts dans la « Grande Muette », où l'anxiété maintenant éclaire toutes les incertitudes, quand s'annonce bien plus tôt que prévu, mon départ pour l'Algérie ;

          … La Méditerranée si joliment chantée par quelques grands interprètes de ce temps, avait ce jour-là perdu un peu de sa quiétude et le pauvre « CHANZY », dans toute sa vétusté, ne put vraiment rien pour rendre la traversée agréable. A Batna, place forte des Aurès, le colonel allait accueillir simultanément les nouveaux venus en terre algérienne et l'essentiel du régiment déjà en place sur les champs opérationnels. Il parla bien sûr de l'Algérie, terre brûlante l'été, surprenante en période hivernale comme le confirme l'un des clichés ci-joints. Il donna aussi son sentiment sur la dernière intervention de nos troupes jugée décevante au plan des résultats. «  Je veux du tir à tuer » asséna-t-il sèchement. On aurait souhaité entamer plus sereinement notre campagne mais les propos tenus avaient sans doute le mérite de la vérité ! Une seule lueur vint éclairer cette journée éprouvante : la rencontre de mon ami Xavier, commis boucher chez les Arrua place de la république, auprès de Felipe, Michel et plus tard encore José. Pièce maîtresse de nos cuisines bien rustiques, il avait toujours en réserve une viande à griller qui venait compenser un peu l'insuffisance criante de nos rations alimentaires. Son ancienneté voulut qu'il me quitte au terme d'un petit trimestre ce que j'allais regretter bien amèrement. Il nous arrive d'évoquer aujourd'hui encore, ce temps partagé là-bas avec quelques amis du pays, rassemblés comme ici sur un même document.

          … S'il est une chose que de mon séjour en Algérie j'ai plus particulièrement retenue, c'est bien ce rôle rassembleur que dans les situations difficiles il a toujours joué ; les liens très forts d'amitié qu'au sein de la troupe il a su créer et demeurent encore, de manière étonnante. Comment oublier ces soirées, passées sous la tente, ou chacun évoquait son pays, ses coutumes, ses chants, ses personnages pittoresques : c'était alors la France tout entière qui éclatait de rire, confiant à quelques canettes de bière, l'espoir de lendemains meilleurs …

 

          … La route serait longue encore, sur ces chemins cent fois empruntés, des franges littorales rappelant si bien les nôtres jusqu'au cœur des djebels autrement inhospitaliers. Elle serait longue, semée d'embûches, de souffrances et de drames, même si nous nous efforcions dans nos courriers aux familles d'en réduire la portée. Pour lors, ma chère Ama, sur son lit de souffrances, tentait de trouver ces dernières forces qui lui auraient permis, de son cher Rapha d'accueillir le retour. Dans une lettre émouvante comme lui seul savait les rédiger, Aïta tournera la page et de sa chère Jeanne louera le grand courage et l'amour qu'à tous les siens elle avait toute une vie prodigués.

Sur les hauts de Chourienia, face à ces paysages qui m'étaient redevenus familiers, Peñas de Haya, San-Marcial et la paisible Bidassoa, les images soudain défilaient se faisant plus furtives. J'aurais voulu les retenir, les retenir encore tout au fond de mes yeux par l'émotion embués. Mon béret rouge une dernière fois, serré très fort dans ma main …

 

R. Lassallette

 

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