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Un héros ordinaire
Un héros ordinaire
© Une chaloupe

| Jacques Eguimendya 766 mots

Un héros ordinaire

" ... seuls resteront l’abnégation, le courage, la volonté de vivre de ce jeune garçon, Joaquin Urretaviscaya,... "

Il y a quelques jours quelques amis se remémoraient, sur un réseau social bien connu, leurs souvenirs de pêche face aux « Deux Jumeaux ». Toutefois, l’un d’eux appelait à la prudence et avouait qu’il ne s’y aventurait seul la nuit, le danger pouvant surgir à tous moments. Un rappel fort à propos car bien des pêcheurs y ont laissé la vie ou ont été quitte pour de grandes frayeurs. Il en fut ainsi en 1894. 

 

En ce mois d’octobre, où le Président Jean CASIMIR-PERIER et la Chambre des Députés félicitent le Docteur Roux de l’Institut Pasteur pour la mise au point du sérum antidiphtérique et votent des crédits spéciaux pour en accélérer la diffusion, l’équipage de la chaloupe Pascaline profite d’une nuit calme pour prendre la mer afin d’exercer leur métier.  Les trois hommes, dont deux adolescents Joaquin Urretaviscaya de 16 ans et Justin Aramendy de 15 ans, sous les ordres de leur « patron » se dirigent vers les « Deux Jumeaux ». Ils se rapprochent à une trentaine de mètres des rochers. Par expérience, ils pensent trouver des muges. Il en est tout autrement.

 

Vers 4h du matin, la mer forcit, un violent coup de vent fait chavirer la chaloupe, les quatre hommes se retrouvent à l’eau. Ils réussissent à s’accrocher à la quille et, après bien des efforts, à la retourner. Les vagues de plus en plus fortes et hautes, entreprennent méthodiquement de remplir la faible coquille de noix. Dans une demi- heure au plus, elle sombrera. Le capitaine de la chaloupe décide qu’il faut rentrer à la nage, la côte n’étant pas loin. Justin Aramendy est terrorisé. Il ne sait pas nager. Urretaviscaya, comprenant la situation, s’époumone dans la tempête pour expliquer qu’à deux ils pourront soutenir le jeune pêcheur et le ramener sur la terre ferme. Peine perdue, personne ne l’entend. Il voit les deux adultes s’éloigner dans la nuit d’encre.

 

Justin, en pleurs, certain que sa dernière heure est arrivée, s’accroche comme il peut à Joaquin. Ce dernier accroché à l’embarcation, en tâtonnant, retrouve une petite bouée qu’il accroche, avec difficultés, dans le dos de son camarade. Ils amorcent quelques mouvements de natation, mais Justin est ballotté par les vagues et le violent ressac. Il panique. Il demande à retourner auprès de la chaloupe. Il préfère mourir là qu’en mer. Joaquin acquiesce. Il lui promet de rester avec lui, de mourir avec lui. Les deux adolescents remontent dans l’embarcation. 

Pendant ce temps, si le capitaine réussit à atteindre le rivage, il n’en est pas de même pour son assistant. Épuise par la lutte contre la mer déchaînée, il coule.

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Trainière Perez del Camino.jpg © Trainière Perez del Camino
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Le Capitaine rentre à Hendaye et avertit aussitôt le commandant du Javelot. Ce dernier se rend à Socoa afin que le Nautile puisse aller chercher les malheureux restés sur l’épave. Manque de chance la sortie du port est rendue impossible par la marée basse. 

 

Des pêcheurs de ce même port, se portent volontaires et partent avec leur traînière.

 

Sur la Pascaline la situation est dramatique. Même les crabes, sentent la chair fraîche. Les deux adolescents sont mordus aux jambes. Justin pleure sans discontinuer, serre de plus en plus fort le bras de Joaquin. En désespoir de cause, tentant une dernière manœuvre avec cette embarcation pratiquement remplie d’eau et qui rosse les rochers coupants, Joaquin décroche l’ancre. L’effet escompté n’est pas au rendez-vous, l’embarcation s’éloigne de la côte. Justin redouble ses peurs, crie, se cramponne de plus en plus fort. 


Au milieu de ce tourbillon de vent, de vagues, de sentiments, de sombres pensées, des bruits d’avirons frappant l’eau en cadence se font entendre. Joaquin convaincu que ce sont des pêcheurs espagnols qui leur viennent en aide, cri de toutes ses forces « Socorro, Socorro ». Ce sont les volontaires de Socoa. Ils ont entendu. Au même moment l’étreinte de Justin ce relâche. Il est mort de peur. 

 

Les marins de Socoa recueillent le cadavre de Justin ainsi que Joaquin dont le bras gauche et les doigts de sa main sont ankylosés tant son ami les avaient serré. Pour Joaquin le cauchemar est terminé commence celui des parents et d’une veuve et ses trois enfants. 

 

Peu importe les circonstances de la situation esseulée de ces deux jeunes dans la nuit, la polémique que les journaux sous-entendent, seuls resteront l’abnégation, le courage, la volonté de vivre de ce jeune garçon, Joaquin Urretaviscaya, sans oublier les pêcheurs de Socoa qui, à la rame, dans la tempête, ont pris le risque de se fracasser contre les rochers.

 

Jacques Eguimendya

Président de Passion Txingudi

Sources : Eskualduna du 26 octobre, 02 et 09 novembre 1894   

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